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Le cheminement d’un ingénieur naval depuis les langoustiers jusqu’aux pétroliers

Barry Oliver à Setúbal, au Portugal, pendant la cale sèche du Beothuk Spirit, qui durera 5 ans, en août 2022.
L’aventure de Barry Oliver depuis les rives de la baie de Fundy pour devenir le troisième mécanicien à bord d’un pétrolier-navette au large de Terre-Neuve résulte d’une vie marquée par l'expérience pratique. Ayant grandi dans une famille de pêcheurs, la mer n’avait aucun secret pour Oliver.

Dans ses Q et R, il repense à sa carrière depuis les premiers jours dans l'industrie de la pêche jusqu’à son rôle actuel, alors qu’il entretient la machinerie essentielle à bord d’un navire qui joue un rôle clé dans le transport du pétrole entre les plates-formes en mer et la terre ferme. Joignez-vous à nous alors que nous explorons ses expériences, ses défis et le rôle essentiel qu’il joue lorsqu’il s’agit d’assurer que les navires fonctionnent de manière sécuritaire et efficace.
Q: Pouvez-vous nous parler un peu de vous ?
Je viens de Parkers Cove, une petite communauté de pêcheurs sur la baie de Fundy en Nouvelle-Écosse où j’ai grandi. Ma famille habite la région depuis plusieurs générations et la plupart des membres ont été des pêcheurs de homard, qui constitue le principal type de pêche. Mes parents font toujours ce travail. J’ai commencé à pêcher en compagnie de mon père et de mon grand-père à l’été de mes 12 ans. J’étais à bord du bateau avec eux les week-ends, en été, et chaque fois qu’il n’y avait pas de cours. Après être entré au secondaire, j’ai commencé à travailler à l’usine locale de transformation du poisson après l’école et je pêchais le homard chaque fois que j’en avais l'occasion. J’ai obtenu mon diplôme du secondaire en 2013 et je me suis inscrit cet automne-là à la Fisheries and Marine Institute de la Memorial University à St. John’s, Terre-Neuve, où j’ai entrepris le programme de génie maritime d'une durée de 4 ans. J’ai terminé le cours au printemps 2017, rédigé mon brevet de capacité pour ma quatrième année en génie la semaine suivante et deux jours après l’avoir obtenu, j’étais en mer pour mon premier emploi. Avançons rapidement 7 années et demie plus tard et je venais de terminer mon brevet de capacité de mécanicien de première classe, la certification de mécanicien de marine la plus élevée au Canada.
Q: Parlez-nous de ce qui vous a amené à devenir un mécanicien de la marine. De quelle façon votre expérience a-t-elle influencé votre cheminement de carrière depuis 2017?

Le Beothuk Spirit ancré dans la baie de St. Mary's, à Terre-Neuve, avec l'un de ses navires jumeaux au premier plan.

Ayant grandi sur l’eau, j’ai toujours su que je n’étais pas fait pour une carrière sur la terre ferme. Je crois que j’ai toujours été attiré par l’eau. J’ai donc décidé ultimement ce que je voulais faire, c'est-à-dire une carrière en mer. À l’origine, lorsque j’ai commencé à envisager une carrière en mer, je pensais vouloir occuper un poste d'officier de pont pour essayer un jour d’atteindre le poste de capitaine. Cependant, après quelques recherches qui m’ont permis d’en apprendre davantage à propos de l'industrie, j’ai réalisé que le métier de mécanicien me convenait davantage. En grandissant, j’ai toujours aimé travailler avec mes mains, fabriquer et réparer des choses, qu’il s’agisse de travailler sur un véhicule, d’aider mon père à entretenir le langoustier ou de fabriquer des objets en bois en compagnie de mon grand-père. Ce travail convient parfaitement aux personnes « manuelles ».

Depuis que j’ai débuté ma carrière de mécanicien en 2017, j’ai tôt fait de réaliser que ça me convenait vraiment à la perfection. J’ai aussi réalisé rapidement que je voulais atteindre les postes de mécanicien les plus élevés à bord afin de participer davantage aux efforts de planification et de gestion. Au cours des quelques dernières années, j’ai eu l'occasion d’occuper le poste de premier mécanicien. Ayant obtenu mon brevet de capacité pour le poste de mécanicien de première classe, mon but consiste à investir le temps et les efforts nécessaires pour atteindre le poste de chef mécanicien.

Q: À titre de troisième mécanicien chez Altera Infrastructure, parlez-nous de vos principales responsabilités. En quoi consistent la surveillance et l'entretien des machines du navire au jour le jour?

À titre de troisième mécanicien, je m’occupe du maintien et de l'entretien de certaines pièces d'équipement de la salle des machines, comme les compresseurs d’air, les chaudières, les épurateurs de carburant et d'huile de lubrification, les convertisseurs d’eau salée en eau potable, ainsi que l'équipement de lutte contre les incendies et de sauvetage des personnes de la salle des machines. La surveillance de ces pièces d'équipement consiste, entre autres, à assurer qu’elles fonctionnent correctement, que toutes les alarmes sont fonctionnelles et qu’on transporte à bord suffisamment de pièces de rechange en cas de panne et qu’elles sont accessibles afin de procéder à l'entretien prévu. L’entretien va des simples changements d’huile à la révision et à la réfection complètes, incluant le remplacement des composants internes et les inspections internes sur l'équipement plus volumineux, comme les chaudières.

Q: À quoi ressemble une journée de travail normale?
Lorsque le navire fait le plein d'huile dans une installation à terre, le mécanicien et un graisseur occupent continuellement la salle des machines. Le mécanicien doit demeurer à l'intérieur de la salle des commandes des moteurs au cours de sa période de quart afin de pouvoir réagir rapidement en cas d’alarme ou de problèmes alors que le navire se trouve à proximité d’une plate-forme pétrolière. L’occasion est également idéale pour s’attaquer à la paperasse et se procurer les permis de travail nécessaires pour les emplois à venir. Pendant un quart, nous travaillons 4 heures suivies d’une période de repos de 8 heures en alternance. Je travaille normalement de 8h00 à 12h00 et de 20h00 à 00h00.

Lorsque le navire est au port en train de décharger le pétrole, il est possible de réaliser quelques petites tâches de maintenance qui ne nuiront pas au déchargement de la cargaison. Au cours de cette période, un mécanicien et un graisseur se trouvent continuellement dans la salle des machines pour s’assurer que l'équipement de déchargement de la cargaison fonctionne correctement.

Le moment idéal pour réaliser les tâches de maintenance arrive lorsque le navire est ancré suite au déchargement avant de prendre la mer pour la cargaison suivante. Au cours de cette période, tout le personnel de la salle des machines effectue le « quart de jour », ce qui signifie que l'équipage de la salle des machines au grand complet travaille de 8h00 à 17h30 ou 18h00. On s’assure ainsi de pouvoir compter sur le nombre maximal de personnes disponibles dans la salle des machines.
Q: Parlez-nous des situations les plus difficiles que vous avez rencontrées alors que vous diagnostiquiez les pannes au niveau des machines.
Aucune situation particulière en lien avec le diagnostic des pannes ne me vient à l’esprit. J’aime adopter toujours la même approche pour diagnostiquer un problème qui implique les machines. Vous devez premièrement comprendre parfaitement le rôle de la pièce d'équipement et ses paramètres de fonctionnement normaux, soit les températures et les pressions normales et même son bruit normal, par exemple. Si vous ignorez à quoi ressemble le fonctionnement normal d’une pièce d'équipement, il vous sera vraiment difficile de diagnostiquer un mauvais fonctionnement. Vous pouvez utiliser ces connaissances pour vous concentrer sur le vrai problème que présentent les machines; comme une température ou une pression élevée ou basse; des vibrations ou un bruit excessifs. Vous pouvez ensuite commencer à réfléchir sur ce qui pourrait expliquer un tel changement dans son fonctionnement.

Commencez toujours par les choses faciles et simples et éliminez-les en premier. Il pourrait s’agir simplement d’une conduite débranchée au niveau d’un manomètre ou du bris d'un manomètre qui donne une fausse lecture alors qu’il n’y a pas vraiment de problème avec les machines. Continuez d’essayer toutes les possibilités qui vous viennent à l’esprit jusqu’à ce que vous trouviez la solution. N’ayez pas peur de demander de l’aide si vous êtes incapable de trouver la solution. N’oubliez jamais que la clarté d’esprit est primordiale lorsque vous tentez de diagnostiquer un problème. Si vous commencez à ressentir de la frustration, prenez une pause et revenez-y plus tard.
Q: D’après votre expérience, de quelle manière le rôle du mécanicien maritime évolue-t-il lorsque vous gagnez en ancienneté?
Pour commencer, clarifions le système de grades à bord pour les mécaniciens chez Altera Infrastructure (mon employeur). On a le troisième, le deuxième et le premier grades, et ensuite le poste de chef qui est le plus élevé. D’autres entreprises ont le quatrième, le troisième et le deuxième grades suivis du poste de chef.

Lorsque vous gagnez en ancienneté, vos responsabilités augmentent; vous passez de celui qui pose des questions à celui qui doit avoir la réponse aux questions. À titre de troisième et deuxième mécaniciens, vous êtes responsables d’un équipement précis en plus des tâches qui sont spécifiques à votre grade. À titre de premier mécanicien, vous devez superviser et planifier les opérations au jour le jour de la salle des machines, en plus d’entretenir l'équipement plus essentiel, comme la machine principale et l'appareil à gouverner. Plus vous montez en grade, plus les machines dont vous êtes responsable seront importantes. Peu importe le grade que vous occupez, vous êtes responsable de la sécurité du navire et de tous les membres d'équipage. À titre de chef mécanicien, vous devez superviser toutes les machines à bord du navire, ainsi que les communications avec le bureau, les propriétaires, les tiers entrepreneurs et les organismes de réglementation. Vous devez également superviser le budget du navire et les différentes commandes, comme le combustible, le mazout et les pièces de rechange. De plus, en compagnie du capitaine, vous devez vous assurer que le navire se conforme à toutes les lois maritimes à l'échelle internationale et locale.
Q: Que vous a appris votre expérience à propos de l'importance du travail d'équipe dans la salle des machines?
La salle des machines du Norse Spirit, navire jumeau du Beothuk Spirit.
Le travail d'équipe est crucial pour assurer le bon fonctionnement non seulement de la salle des machines, mais également du navire dans son ensemble. Le but à la fin de la journée consiste à amener le navire à bon port, à temps, en douceur et en sécurité. Tous ceux qui se trouvent dans la salle des machines, peu importe leur grade, ont vécu des expériences différentes au cours de la carrière et peuvent contribuer grâce aux compétences et aux connaissances qu’ils ont acquises. Il s’agit là d’un point très important dont vous devez vous rappeler lorsque vous débutez initialement votre carrière en mer. Vous allez devoir commencer au bas de l’échelle et ceux qui se trouvent au-dessus auront plus d'expérience que vous. Exploitez la situation à votre avantage et apprenez tout ce que vous pouvez de ces gens. Cela nous ramène également à la question du diagnostic des pannes : lorsque vous diagnostiquez des pannes, assurez-vous que l'équipe au grand complet est disponible pour vous aider. Un bon exemple de travail d'équipe dans la salle des machines se présente lorsqu’on révise un cylindre important sur le moteur principal. Cela demande habituellement l'intervention de 5 à 6 employés de la salle des machines qui travaillent en même temps à différents endroits sur le moteur. Certains membres d'équipage travaillent habituellement sur le carter (élément clé d'un moteur qui abrite le vilebrequin, la bielle et la tige de piston, ainsi que d'autres pièces vitales. Le carter se trouve au centre du moteur, entre le bloc-moteur et le carter d'huile), alors que d’autres travaillent dans la zone de tête du moteur pour maximiser l'efficacité et assurer le temps d’arrêt le plus bas possible pour le navire.
Q: Quels conseils donneriez-vous aux aspirants mécaniciens de la marine qui débutent à peine dans leur carrière? Croyez-vous que certaines compétences ou expériences spécifiques sont essentielles pour réussir dans le domaine?
L'un des navires-citernes de la classe Heritage d'Altera Infrastructure en mer.
Le principal conseil que j’aimerais donner à ceux qui débutent à peine leur carrière dans le génie maritime ou qui convoitent une telle carrière consiste à se montrer intéressés et à poser des questions. C’est particulièrement important si vous occupez un poste de cadet. La plupart des gens prendront le temps qu’il faut pour vous démontrer et enseigner la profession si vous faites preuve d’intérêt et d’une volonté d’apprendre. Un autre conseil serait d’essayer de travailler sur un ou deux vieux navires au début de votre carrière. Les nouveaux navires sont munis de la technologie la plus récente, mais les navires plus anciens vous permettront de voir le plus de choses, de mettre à l'épreuve vos aptitudes pour le diagnostic des pannes et vous aideront ultimement à apprendre le plus.

L’aptitude pour la résolution des problèmes représente un atout pour quiconque aimerait occuper un emploi dans le domaine du génie maritime. N’ayez pas peur de vous salir les mains. Il existe définitivement des emplois « sales » dans la salle des machines. Une expérience du travail manuel et au moyen d'outils représente un autre atout sans être une nécessité, puisqu’il s’agit là de compétences que vous pouvez acquérir. Si vous souhaitez accéder à une carrière en mer, sachez également qu’il n’existe pas d’horaires fixes à bord. Le navire est toujours actif et tel est particulièrement le cas lorsque vous occupez des grades plus élevés, comme ceux de capitaine, chef, capitaine en second et 1er mécanicien. Même lorsque vous ne travaillez pas selon votre horaire habituel, vous êtes toujours sur appel, parce qu’on pourrait avoir besoin de vous en tout temps.
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